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Si, et vraiment seulement si …

Si le LHC était une échelle et les nouvelles particules tant recherchées, des boîtes cachées sur les étagères les plus hautes, la montée en énergie du LHC s’apparente à l'acquisition d'une échelle plus longue donnant accès aux étagères du haut. Fin 2012, les échelles étaient plus courtes, mais on en avait dix fois plus, facilitant l’exploration de toutes les étagères à notre portée. ATLAS et CMS viennent de jeter leur premier coup d’œil à un endroit jamais exploré auparavant mais auront besoin de plus de données pour inspecter cette nouvelle zone en profondeur.

Le 15 décembre, lors du séminaire de fin d'année, les expériences CMS et ATLAS du CERN ont présenté leurs premiers résultats basés sur les toutes nouvelles données accumulées en 2015 depuis la reprise du Grand collisionneur de hadrons (LHC) à 13 TeV, l'énergie d'exploitation la plus haute jamais atteinte. Bien que la quantité de données ne soit que le dixième de ce qu’elle était à plus basse énergie (soit 4 fb-1 pour ATLAS et 2,8-1 fb pour CMS pour les données recueillies à 13 TeV comparés à 25 fb-1 à 8 TeV pour chaque expérience), cette augmentation en énergie met désormais des particules hypothétiques plus massives à la portée des expériences. Les deux expériences ont d’abord démontré comment leurs détecteurs se sont comportés après plusieurs améliorations majeures, y compris l’acquisition des données à deux fois le taux utilisé en 2012. Les deux groupes ont contrôlé sous toutes les coutures comment les particules déjà connues se comportent à plus haute énergie, sans trouver d’anomalies. Mais c'est dans la recherche de particules nouvelles et plus lourdes que tous les espoirs sont permis. Les deux groupes ont exploré des douzaines de possibilités différentes, triant des milliards d'événements. Chaque événement est un cliché de ce qui s’est produit lorsque deux protons entrent en collision dans le LHC. L'énergie dégagée par la collision se matérialise sous forme de particules lourdes et instables qui se désintègrent aussitôt, provoquant de mini feux d'artifice. En attrapant, identifiant et regroupant toutes les particules qui s’échappent du point de collision, on peut reconstruire les particules originales qui ont été produites.

Les expériences CMS et ATLAS ont toutes deux trouvé de petits excès en sélectionnant les événements contenant deux photons. Dans plusieurs de ces événements, les deux photons semblent venir de la désintégration d'une particule ayant une masse d’environ 750 GeV, soit 750 fois plus lourde qu'un proton ou 6 fois la masse d'un boson de Higgs. Puisque les deux expériences ont regardé une multitude de combinaisons différentes, en vérifiant à chaque fois des douzaines de valeurs de masse pour chaque combinaison, on s'attend toujours à trouver de telles fluctuations statistiques.

Partie supérieure : la masse combinée exprimée en GeV pour toutes les paires de photons trouvées dans les données récoltées à 13 TeV par ATLAS. Le trait rouge montre à quoi on s'attend venant de sources aléatoires (communément appelé bruit de fond). Les points noirs correspondent aux données et les lignes, les erreurs expérimentales. La petite bosse à 750 GeV est ce qui est maintenant intrigant. La partie du bas montre la différence entre des points noirs (les données) et la courbe rouge (le bruit de fond), montrant clairement un petit excès de 3,6σ ou 3,6 fois l'erreur expérimentale. Quand on prend en compte toutes les fluctuations possibles à toutes les valeurs de masse considérées, l’excès n’est plus que de 2,0σ.

Ce qui est intrigant, c’est que les deux équipes ont trouvé la même chose, exactement au même endroit, sans s'être consultées et en utilisant des techniques de sélection conçues pour ne pas biaiser les données. Néanmoins, les deux groupes expérimentaux sont extrêmement prudents, déclarant qu'une fluctuation statistique est toujours possible jusqu'à ce que plus de données soient disponibles pour tout vérifier avec une précision accrue.

CMS a légèrement moins de données qu'ATLAS à 13 TeV et par conséquent, décèle un effet beaucoup plus petit. Dans leurs seules données prises à 13 TeV, l'excès à 760 GeV est de 2,6σ, 3,0σ lorsque combiné avec les données de 8 TeV. Mais au lieu de juste évaluer cette probabilité localement, les physiciens et physiciennes préfèrent tenir compte des fluctuations possibles pour toutes les valeurs de masse considérées. La probabilité n'est alors que de 1,2σ, pas de quoi fouetter un chat. C’est "l'effet de regarder ailleurs" : il tient compte du fait qu'on finit toujours par trouver une fluctuation quelque part quand on regarde dans autant d'endroits différents. Les théoriciens et théoriciennes se retiennent beaucoup moins. Depuis des décennies, on sait que le Modèle standard, le modèle théorique actuel de la physique des particules, n’explique pas tout, sans pouvoir progresser. Tout le monde espère donc qu’un indice viendra des données expérimentales pour aller de l’avant. Beaucoup ont dû travailler dur toute la nuit car huit nouveaux articles sont apparus dès ce matin, proposant des explications variées sur la nature possible de la nouvelle particule, si particule nouvelle il y a. Quelques personnes pensent que cela pourrait être une particule liée à la matière sombre, d'autres penchent pour un autre type de boson de Higgs tel que prédit par la Supersymétrie ou même y voient les premiers signes de nouvelles dimensions. D'autres proposent qu’un tel effet ne pourrait se produire que si cette particule s’accompagne d'une deuxième particule plus lourde. Tout le monde suggère quelque chose au-delà du Modèle standard. Deux choses sont certaines : tout d’abord, le nombre d’articles théoriques dans les prochaines semaines va exploser. Et deuxièmement, on ne pourra pas dire si il y a nouvelle particule sans plus de données. Avec un peu de chance, nous pourrions en savoir plus dès l'été prochain lorsque le LHC aura produit plus de données. D’ici là, tout cela n’est que pure spéculation. Ceci étant dit, il ne faut toutefois pas oublier que le boson de Higgs a fait son apparition de façon très semblable. Les premiers signes de son existence étaient déjà visibles en juillet 2011. Avec plus de données, ces signes s’étaient renforcés en décembre 2011 à un autre séminaire de fin d'année mais sa découverte n’a pu être établie que lorsque encore plus de données eurent été recueillies et analysées en juillet 2012. Ouvrir ses cadeaux avant Noël n’est jamais une bonne idée. Passez de bonnes Fêtes, Pauline Gagnon


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